Balta "Hors-jeu"
T R A C E - Exposition dans l’espace public / La Valette-du-Var
8 avril / 27 mai 2006
Interview: Henk Haest / Balta - Mars 2006
Dans les interventions situées place Général de Gaulle et place de l'Horloge, vous semblez être fascinée par le phénomène "marelle". D'où vient votre intérêt pour ce type de graphisme?
J’ai commencé à m'intéresser aux dessins de marelle en 2001. À l'époque je cherchais un élément culturel capable de rendre sensible une différence culturelle en partie liée à ma situation personnelle. Vivant depuis de nombreuses années aux Pays-Bas, parlant la langue, aimant ce pays mais n'étant pas vraiment Néerlandaise ni plus tout à fait Française, je ressentais un certain décalage par rapport aux personnes qui m'entouraient. Par exemple un texte comme "... nos ancêtres les Gaulois..." pouvait facilement pour des Néerlandais être associé à un album de bandes dessinées comme "Astérix le Gaulois" alors que pour moi il s' agissait d' une icône scolaire, souvenir de mon enfance en France. En voyant dans la rue des dessins de marelle qui m'étaient inconnus, je décidais d'initier un projet international d'art postal au cours duquel je demandais à de nombreux adultes de me dessiner un dessin de marelle. Le titre de ce projet était "dessine-moi une marelle / draw me a hopscotch" et le résultat fut publié sous forme de livre d' artiste.
Dans quel sens cel a vous intéresse-t-il?
Ce qui me touche particulièrement dans le dessin de marelle, c' est de sentir que cet élément culturel insignifiant, semble être capable de fonctionner comme un véritable indicateur de diversité culturelle.
Le jeu de marelle est un jeu d' enfant alors que les mots que vous utilisez dans l'inlervention sur la place Général de Gaulle tels que "avertissement", "expulsion" etc. n'ont rien à voir avec le monde de l'enfance.
L'installation sur la place Général de Gaulle, possède les qualités formelles d'une marelle, alors que les termes utilisés n'ont effectivement rien d'enfantin. Même s'ils sont issus du règlement d' un jeu – le football – ils deviennent, hors de leur contexte, menaçants ou alors semblent se référer à des problèmes sociaux. Cest une façon de rappeler que les règles d'un jeu (de société) ne sont jamais bien loin des conventions sociales. C’est aussi dans ce sens qu'il faut lire le titre du projet "Hors-Jeu".
Et les oiseaux? Quelle est leur signification?
Les oiseaux sont là pour nous parler de l' enfance et du monde des images, mais ils sont également une évocation du passé de la ville, de la "Vallée Heureuse" (Vallis Laeta), de ses jardins et de ses sources. D'une image paradisiaque qu'il est aujourd'hui difficile de retrouver dans la réalité urbaine de La Valette. C'est une façon de poser la question de l'identité de la Ville.
On dirait que vous créez ainsi un puzzle pour le passant?
C' est vrai, mais c' est un puzzle multi-interprétable. Les oiseaux par exemple, peuvent être considérés comme des éléments décoratifs mais comme je l' ai indiqué précédemment, ils peuvent également être lus différemment.
La place de l'horloge est un espace urbain intime et I'intervention ici ressemble au plan architectural d'un édifice. Quelle est sa relation avec le lieu?
En choisissant la place de I'Horloge, j'ai voulu établir un parallèle avec l' église. Ceci afin de faire sentir que ce dessin de marelle bien connu en France s'apparente par sa forme en double croix, au plan simplifié d'une église. C'est une imitation du monde (religieux) des adultes qui est renforcée par I'utilisation de mots comme "Ciel", "Terre" et "Enfer".
On retrouve ici aussi votre fascination pour les marelIes, un dessin au sol, une pierre, mais d' ou viennent les noms de mers, de lacs, de marais qui l'entourent?
J'ai voulu transformer cette marelIe en plan d' architecture, ou mieux en île, en l' entourant de noms de mers, de lacs, de marais et d' océans provenant de la nomenclature de la face visible de la lune. Ces noms datent du XVIIeme siècle et sont fascinants par leur incroyable poésie. D'autre part, cette référence à la lune, donne une autre dimension au ciel de la marelle. Ainsi cette installation fonctionne un peu comme une machine à remonter le temps.
Vous utilisez dans I'installation à la médiathèque, de nombreux dessins de marelle. D'où viennent-ils?
Ces dessins proviennent des archives que je constitue depuis 2001 en collectionnant les souvenirs de dessins de marelIe d' adultes et en consultant divers ouvrages.
Et vous demandez au public de participer à I'installation?
C'est exact. Le public peut d'une part consulter ces archives et d'autre part rajouter des dessins à I'installation.
Avez-vous déjà travaillé de la sorte dans l'espace urbain aux Pays-Bas?
J'ai réalisé en 2005, dans le cadre d'une commande publique dans la ville d'Enschede (Pays-Bas) un monument commémoratif. Ce monument tout comme les deux interventions à La Valette sont des "signes" qui marquent un lieu. Dans le cas du monument, il s'agissait de marquer des vestiges, le lieu même d'un drame, alors que les interventions à La Valette sont plus ludiques.
Vos interventions dans l' espace urbain de La Valette sont temporaires. Dans quelques mois elles disparaîtront définitivement. N'est-ce pas dommage?
Pas vraiment, la particularité de notre époque est son caractère temporaire, provisoire et les artistes doivent partager l'espace urbain avec d' autres acteurs comme par exemple, la publicité. TravailIer sur de l'éphémère est d'après moi, un acte d'humilité.
Henk Haest est sociologue et artiste plasticien